Une aide surnaturelle à Saint-Martin

Légende transmise de bouches à oreilles au cours des veillées et signalée dans la monographie de Léon Cros (instituteur du village de 1892 à 1900).
Cette légende est attachée au hameau de St Martin de Payrissac aujourd’hui disparu où s’élevaient encore sous la Révolution les ruines d’une église et les restes du cimetière. Une épidémie de peste, il y a bien longtemps, serait la cause de son abandon au bénéfice du village de Thémines.

Maître Pierre, meunier de son état, venait de Soulestrain et regagnait son moulin par le chemin de St Martin. Il faut dire qu’à cette époque, le réseau des routes n’était pas comme maintenant, et ce passage était le meilleur.
Près des ruines de l’église et de son cimetière, la charrette lourdement chargée s’embourba dans une profonde ornière. Le meunier, fort irrité par ce fâcheux contretemps, jurait et battait son mulet.
Il était tard et la lune baignait les croix encore debout dans une lumière blafarde ; la perspective de décharger son grain en ce lieu sinistre ne le réjouissait pas vraiment.
Entre deux jurons, notre homme entendit un léger frôlement et eut une sensation de froid dans le dos. Il se retourna et vit se dresser devant lui la silhouette d’un homme exceptionnellement charpenté qui l’observait. L’apparition lui dit, d’une voix sépulcrale :
« Arrête de blasphémer et laisse ton mulet en paix ! »
Notre meunier, surpris, frissonna lorsqu’il constata que la main que lui tendait le géant était glaciale.
« Mais vous êtes tout froid ? D’où venez-vous ?
– Je viens d’un endroit où il ne fait ni chaud ni froid, répondit-il en désignant du regard une pierre tombale, mais laisse-moi abréger mon séjour au purgatoire par une bonne action. »
Le charretier, stupéfait, recula d’effroi, et vit la grande silhouette se glisser comme par enchantement sous la charrette, la soulever et la libérer de son piège.
« Mais que puis-je faire pour vous remercier ?
– Prie pour le repos de mon âme, car elle est encore condamnée à errer autour du village où j’ai tant péché. »
Ceci dit, l’apparition de l’âme en peine s’évanouit, laissant Maître Pierre sans voix.
Le lendemain, il raconta son aventure au village ; certains mirent ça sur le compte de sa consommation de multiples verres de vin que ses clients lui offraient, d’autres le crurent, et racontèrent cette histoire à leur tour le soir à la veillée.
Ainsi nous est-elle parvenue, mettant une touche supplémentaire de mystère sur ce lieu qu’on évite la nuit car un sarcophage affleure encore dans les folles herbes. Il rappelle au passant que ce lieu peut être peuplé de fantômes.

Vous pouvez écouter cette légende contée par Margot D Marguerite, comédien, écrivain et habitant de Thémines :